La grande traversée des Pyrénées (4)

Récit de la quatrième

et dernière saison

reliant Mérens-les-Vals à Banyuls

Jeudi 30 juin : Rendez-vous à Mérens-les-Vals

Le groupe prêt pour la dernière saison

Pour cette dernière partie, le rendez-vous était fixé à Mérens-les-Vals, au creux de la dernière vallée d’Ariège avant les Pyrénées Orientales. Si Alain et Brigitte sont arrivés en train, Thierry et Karin arrivent à pieds depuis le refuge de Rulhe.
En effet, ils ont repris la traversée 7 jours plus tôt à Aulus-les-Bains, qu’ils avaient atteint l’an dernier

Vendredi 1er juillet : Mérens-les-Vals - Refuge de Bésines

14/22° C

Après un dîner, une nuit dans le dortoir confortable, un bon petit déjeuner, et les traditionnels échauffements quotidiens, le groupe est prêt à s’élancer à 8 h 20.
Pour la mise en jambe des nouveaux arrivés la distance est courte, mais partant de la vallée, il ne faut pas s’attendre à du plat. En fait, les 6,5 premiers kilomètres permettent de monter de près de 1200 m avec une pente régulière d’un peu moins de 20 %.

Le Saut du Nabre

Nous traversons le nuage dans une ambiance pour le moins hydratante laissant tout de même observer le saut du Nabre, petite cascade sur le ruisseau que nous suivons depuis Mérens-les-Vals.

L'Estagnas
Pierrier au Porteille des Bésines

A 11 h 30, nous passons à 2040 m d’altitude, au-dessus du nuage et faisons une première pause repas avant de finir notre ascension, passant à côté de l’Estagnas et franchissant le Porteille des Bésines.

Le refuge des Bésines

Les chiffres du jour  8,4 km, 1228 m d+, 277 m d-, IBP = 100, durée de l’étape : 6 h 20

Notre deuxième journée débute par une ascension de ce qui sera le point culminant de ce séjour, le col de Coma d’Anyell (2470m) et bien que nous ayons eu un printemps particulièrement chaud, nous rencontrons encore quelques névés que nous contournons, ou franchissons à titre d’exercice.

Étangs de Lanoset et de Lannoux
La Portella de la Grava

Nous poursuivons en descendant vers l’Etang de Lanoset qui alimente celui de Lanoux, à moitié vide (probablement pour maintenance des installations EDF) puis remontons  pour franchir la Portella de la Grava (2430 m).

Vallée de la Grave
La Têt

 Après ces 2 cols, il ne nous reste plus que 9 km à descendre en suivant la vallée de la Grave au fond de laquelle coule le ruisseau du même nom, qui se transforme en rivière (la Têt) et se déverse dans le lac des Bouillouses.

Le lac des Bouillouses
No comment...

Nous faisons étape à l’hôtel-refuge à côté du barrage, accessible à pied, en navette, en voiture ou à cheval…

Les chiffres du jour  16,2 km, 776 m d+, 815 m d-, IBP=106, durée de l’étape : 7 h 45

Dimanche 3 juillet : Lac des Bouillouses - Planès

21/32° C

Aujourd’hui pas d’ascension au programme, nous débutons la journée par la traversée du barrage où hier soir de nombreux pêcheurs tentaient d’attraper des truites, mais il semble qu’elles n’étaient intéressées que par les libellules bleues, nombreuses à voler à la surface du lac.
Après avoir longé l’étang de Pradeille nous suivons des pistes en forêt bordant le domaine skiable de Pyrénées 2000 et nous octroyons une pause au bord de l’étang del Tico peu avant d’arriver à Bolquère.

Les Bouillouses
Pause à l'étang del Tico
L'étang del Tico
L'Orri de Planès
Nous traversons le village, et continuons jusqu’au col de la Perche où se situe la gare (halte) de Bolquère, sur la ligne du train Jaune. Il s’agit de la gare la plus haute de France (1580 m).
Arrivés à La Cabanasse, nous faisons une nouvelle pause à l’ombre et rencontrons un couple qui vient de recueillir un tout jeune chiot abandonné dans un carton.
Nous finissons notre journée en rejoignant Planès où la piscine du gîte est appréciée malgré un orage qui menace aux alentours. Au cours du dîner nous faisons connaissance avec un couple de danois qui randonne quelques jours sur le GR 10.

Les chiffres du jour  20,7 km, 330 m d+, 836 m d-, IBP=84, durée de l’étape : 7 h 00

Lundi 4 juillet : Planès - Ras de la Carança

18/29° C

Généralement, le petit déjeuner n’est pas servi très tôt à l’Orri de Planès, mais, dans la mesure où les Danois ont obtenu de pouvoir le prendre en autonomie de bonne heure, nous en faisons de même dès 7 heures, ce qui nous donne la possibilité de partir à  8 heures.
Nous laissons derrière nous l’église triangulaire de Planès, dont l’origine fait débat, et partons à travers la forêt et les pâturages jusqu’à la Barraca de l’Orri où nous faisons notre première pause quotidienne.

L'église triangulaire de Planès
La Barraca de l'Orri

Nous reprenons  notre chemin en pente douce jusqu’à la cabane d’Aixeques. A partir de là, la pente se fait plus raide. Nous grimpons ainsi de 700 m en 3,5 km (20 %) pour atteindre le col Mitja (2367 m).

Le col Mitja
La journée se termine par 4 km de descente via une piste (le GR coupe quelques lacets, mais la végétation est par endroit brulée, par autre dense).
En arrivant au refuge nous retrouvons les Danois en phase de « déshydratation » avancée. Il suffit d’entrer pour trouver un gardien qui remédie à la situation.
Ce soir, le refuge est rudimentaire, il n’y a qu’un seul dortoir de 22 places dont une quinzaine est occupée par un groupe d’une école de la région. Des toilettes sèches sont disponibles à une cinquantaine de mètres du refuge et la toilette se fait directement dans la rivière.
Ras de la Carança
Les toilettes, c'est la cabane au fond du pré...

Devant l’affluence, les arrivants avec ou sans réservation se voient confier une tente et des matelas de sol et sont invités à s’installer en amont ou aval après « négociation » avec le troupeau de vaches.

Les chiffres du jour  15,7 km, 1181 m d+, 800 m d-, IBP=117, durée de l’étape : 7 h 25

Mardi 5 juillet : Ras de la Carança - Mantet

16/28° C

Finalement, le groupe de scolaire a été très respectueux et nous avons passé une bonne nuit.
Comme les jours précédents, nous quittons le refuge vers 8h et entamons notre ascension vers le col del Pal (2294 m).

Le col del Pal

Nous poursuivons à flanc de montagne jusqu’à une zone ombragée pour faire une pause avant d’aborder une longue descente vers Mantet où nous cherchons un petit coin pour finir notre pique-nique avant de prendre un café à la brasserie/épicerie, mais comme le dit le propriétaire, nous ne sommes pas sur la côte et nous sommes les bienvenus pour pique-niquer en terrasse et rester au-delà de la fermeture. 

Arrivée à Mantet

C’est pour nous l’occasion de goûter aux glaces au lait de brebis, au clafoutis ou à la bière locale avant de remonter jusqu’au gîte installé au cœur des écuries.
Nous y partageons le dîner avec un groupe de cavaliers espagnols qui finissent un séjour dans le secteur avec leurs propres chevaux et Didier, un Charentais au palmarès impressionnant (coach sportif bénévole, 7 participations au marathon des sables…) mais sans expérience en montagne. Il est parti d’Hendaye le 1er juin et devrait boucler le GR 10 le 11/07.

Les chiffres du jour  11,1 km, 724 m d+, 979 m d-, IBP=99, durée de l’étape : 6 h 30

Mercredi 6 juillet : Mantet - Refuge de Mariailles

15/23° C

Après le petit déjeuner, nous faisons nos échauffements à l’abri pendant que les Espagnols préparent leurs chevaux sous une pluie battante et que Didier attaque la montée vers le col de Mantet. Finalement, la pluie cesse vers 8 heures et à notre tour nous reprenons le GR et arrivons au col en moins d’une demi-heure. Nous poursuivons par une grande descente jusqu’à Py où nous nous offrons une pause-café à l’épicerie du village 

Arrrêt à PY

La progression se poursuit paisiblement jusqu’au col de Jou  où nous faisons la seconde pause.

Au col de Jou

Nous attaquons ensuite la dernière montée vers le refuge de Mariailles où nous arrivons quelque peu humide. Avant la douche et le pudding maison, c’est réparation de chaussures pour Didier aidé par Thierry.

Le refuge de..?

Les chiffres du jour  13,7 km, 997 m d+, 901 m d-, IBP=94, durée de l’étape : 6 h 45

Jeudi 7 juillet : Refuge de Mariailles - Refuge des Cortalets

10/27° C

La pluie de la veille et de la nuit laisse place ce matin à un ciel bleu. La vue est dégagée sur tout le massif du Canigou. Au refuge se côtoient quelques GRdistes et beaucoup de randonneurs qui font, soit le tour du Canigou (boucle de 7 jours), soit juste l’ascension de son sommet. Il est d’ailleurs possible de s’écarter du GR 10 et rejoindre le refuge des Cortalets en passant par la cheminée du versant sud du Canigou. Nous décidons néanmoins de rester sur l’itinéraire prévu qui offre de belles perspectives.

 Nous contournons donc en balcon, le Canigou, traversant de nombreux pierriers et en profitant d’une vue dégagée sur la vallée, Casteil et Vernet-les-Bains. Puis à l’occasion d’un changement de versant la Méditerranée se dévoile au loin.

Vue sur Casteil
Que voit-on à l'horizon ?

On devine à 60 km de là, la côte et les étangs de Salses / Leucate. Mais ne nous emballons pas, encore 5 jours et demi de marche avant de pouvoir s’y baigner.

La Méditerranée

Nous finissons donc notre étape en longeant les étangs  avant d’arriver au refuge de Cortalets, au pied du Canigou, où nous nous installons dans une chambre avec vue mer. Nous dînons une dernière fois avec Didier qui prendra de l’avance demain et doit arriver à Banyuls un jour plus tôt que nous.

Les chiffres du jour  15,8 km, 1053 m d+, 604 m d-, IBP=113, durée de l’étape : 7 h 50

Vendredi 8 juillet : Refuge des Cortalets - Refuge de Batère

15/29° C

En quittant les Cortalets nous profitons de la fraicheur matinale à plus de 2000m, mais nous savons que le répit est de courte durée. La météo est au beau fixe, nous allons évoluer de moins en moins haut, les températures vont augmenter.
Le GR longe une forêt de sapins où un groupe avait décidé de dormir en hamac (ils ont dû être sacrément bercés par le vent qui a soufflé toute la nuit). Il continue en zone minérale à la végétation clairsemée et contourne l’épave d’un Douglas DC-3 qui s’est écrasé là le 07/10/1961 alors qu’il effectuait la liaison Londres-Perpignan. À l’époque, certains ont évoqué une malédiction, ou plutôt un sortilège. En effet, une hypothèse selon laquelle, un champ magnétique créé par les mines de fer présentes sur le Canigou aurait

Épave du DC3 Londres-Perpignan
perturbé les liaisons radio et déréglé les instruments de vol, a été envisagée. Le rapport définitif, imputait ce tragique accident à une erreur de navigation.
Au cours de notre descente nous rencontrons 2 équipes de baliseurs de la fédération française de randonnée qui rafraîchissent les marquages

En approchant de Batère, on découvre les traces d’une activité minière importante qui a prospéré de 1870 à 1980. Batère était d’ailleurs la dernière mine en activité. Elle s’est arrêtée en 1987.
C’est dans une petite partie des logements des mineurs que la commune a installé un accueil randonneurs.

Les vestiges de la mine de Batère
Des mineurs aux randonneurs

Les chiffres du jour  15 km, 376 m d+, 1064 m d-, IBP=84, durée de l’étape : 6 h 30

Samedi 9 juillet : Refuge de Batère - Mas de la Fargassa

15/35° C

La production de minerai extraite à Batère était évacuée à dos d’hommes, de mulets puis par des charrettes à bœufs et dès 1900 par un transporteur aérien de 9 km relié à Arles-sur-Tech où étaient installés les fours à grillage. En descendant ce matin à Arles-sur-Tech, nous suivons les câbles restés à terre, découvrons des wagonnets abandonnés çà et là, passons à côté des stations de Vigourats et Jacouty. Nous suivons en quelque sorte le cheminement du minerai.

Arrivés au village, nous nous accordons une pause en terrasse, histoire de boire frais et de souhaiter un joyeux anniversaire à Alain. Il faut néanmoins repartir et monter près de 600 m sur une pente de plus de 20 % sous 35° C, ce n’est pas de tout repos.

Nous atteignons le col de Paracolis 1h45 plus tard. Il ne nous reste plus que 5 km en faux plat descendant et nous arrivons à notre lieu d’hébergement, une ferme équestre bio où la fraicheur de la rivière est appréciée.

Le soir, à l’occasion du dîner autour du feu, où se côtoient randonneurs en étape, campeurs en séjour et amis, nous faisons connaissance de Bob et son épouse Hazel, un couple du nord de l’Angleterre qui  relie Vernet-les-Bains à Banyuls par le GR 10. Puis il est temps de regagner notre dortoir afin de partir un peu plus tôt demain

Dîner à la Fargassa

Les chiffres du jour  20,7 km, 804 m d+, 1650 m d-, IBP=104, durée de l’étape : 8 h 55

Dimanche 10 juillet : Mas de la Fargassa - Las Illas

15/31° C

En raison des fortes températures qui sont annoncées, nous prenons notre petit déjeuner en autonomie tout comme le couple anglais et partons à 7 h 40.
Nous prenons le chemin de Montalba puis montons vers  le Collada de Sant Marti où nous faisons une pause (côté espagnol)
Le soleil tape dès 8 heures
La Collada de Sant-Marti

Nous y croisons Bob et son épouse qui avaient décidé de rejoindre la frontière par les crêtes. Dans notre descente dans la vallée nous observons un puits à neige. Les 4 derniers kilomètres sur le bitume fondant semblent interminables. La douche est la bienvenue avant de profiter de la terrasse du restaurant où nous finirons la journée.

Puits à neige
Las Illas

Les chiffres du jour  19,7 km, 1138 m d+, 1215 m d-, IBP=104, durée de l’étape : 8 h 30

Lundi 11 juillet : Las Illas - Col de l'Ouillat

15/34° C

Pour s’adapter aux fortes chaleurs nous prenons notre petit déjeuner à 6 heures au gîte et partons sur les chemins un peu avant 7 heures en commençant par la route puis une piste forestière. 7 km plus loin nous rejoignons la frontière que nous suivons pour le reste de la journée. Les châtaigniers ont laissé la place aux chênes liège. En approchant du Perthus nous passons à côté du site archéologique du col de Panissars et contournons le fort de Bellegarde avant de passer sous l’A9.

Chêne liège
Site archéologique du col de Panissars
Le fort de Bellegarde
Le mieux est de passer dessous...

Nous remontons ensuite vers le col de l’Ouillat en 2 paliers de 300 m entre lesquels nous nous octroyons une pause à l’ombre. A 14 h 45 nous arrivons à notre objectif du jour où Thierry remet à Pierre, un jeune randonneur étourdi sa tente qu’il avait oublié au gîte le matin même.

Pause dans la montée du col de l'Ouillat
Chalet de l'Albère

Les chiffres du jour  24,7 km, 1023 m d+, 655 m d-, IBP=93, durée de l’étape : 7 h 50

Mardi 12 juillet : Col de l'Ouillat - Banyuls

19/33° C

Pour cette dernière journée nous reconduisons les horaires de la veille. Après le petit déjeuner pris dans le dortoir avec le couple anglais, nous partons un peu avant 7 heures. Dans la montée vers le pic de Néoulous, nous faisons une petite incursion en Espagne pour observer un ingénieux puits à neige

Dernier départ
Puits à neige...
...ingénieux

Au sommet nous avons une petite pensée pour le groupe que nous avions conduit là en mai 2019, mais qui n’avait rien vu en raison d’un épais brouillard

Pic de Néoulous

Nous entamons la descente sur les crêtes où les vaches doivent se contenter d’une végétation ravagée par le soleil et le vent. Au fur et à mesure de notre progression la côte est de plus en plus visible et nous finissons par apercevoir Banyuls. 

Des pâtures bien pauvres
Banyuls en vue

Un peu avant 16 heures, fatigués, cuits et assoiffés nous atteignons, non sans émotion notre objectif, fiers du chemin parcouru.

Objectif atteint

Après nous être rafraîchis dans le plus vieil hôtel de la ville, récemment repris par quatre amies qui ont souhaité en faire un lieu d’échange et de partage, et un autotest Covid,  positif pour l’un d’entre nous, nous apprécions des tapas sur deux tables distinctes.

Les chiffres du jour  23,6 km, 775 m d+, 1720 m d-, IBP=103, durée de l’étape : 9 h 00

Mercredi 13 juillet : Fin d'une aventure

Après cette dernière nuit, chacun rejoint Pessac en train la tête pleine de souvenirs.

Depuis Mérens-les-Vals, nous avons parcouru 217 km, monté 10547 m et descendu 11741 m principalement dans les Pyrénées-Orientales.
Après 2 saisons marquées par le Covid, les chemins ont retrouvé leur fréquentation passée avec notamment le retour des étrangers. Nous avons côtoyé des Danois, Anglais, Autrichien, Belges, mais aussi des Français qui sillonnaient le GR pour quelques jours ou en intégralité.
La fin de toute restriction sanitaire marque le retour des échanges entre randonneurs, la libre circulation de tous, et… du virus.
Restons prudents au retour pour protéger les plus fragiles.

Épilogue

En sillonnant l’intégralité du GR 10 d’Hendaye à Banyuls, nous avons parcouru 975 km, monté 57 320 m de dénivelé positif et descendu autant, traversé 5 départements, le parc national des Pyrénées, les parcs naturels régionaux des Pyrénées ariégeoises et catalanes. Au cours de nos 56 étapes nous avons fait de nombreuses rencontres, en journée sur le chemin et le soir dans les différents hébergements, gîtes d’étape, refuges, fermes, ou plus atypiques, toujours bien accueillis.

Au-delà de l’exploit physique, la grande randonnée itinérante est une formidable expérience humaine à laquelle nous vous encourageons à participer avec un professionnel, un bénévole, en club ou individuellement.

Thierry et Karin

Pour vous y aider, retrouvez ci-dessous le récit de chaque saison :